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Je doublai le pas, peu curieux de constater l’effet des bavardages insensés de la Daniella on du Tartaglia son compère, et, fort ennuyé du rôle absurde que ces valets voulaient m’attribuer, je fis un effort pour n’y plus songer en marchant.

Cette préoccupation venait mal à propos m’arracher au charme qui s’emparait de moi dans cette région vraiment admirable. La montagne était jonchée d’herbe d’un vert éclatant, et les antiques oliviers adoucissaient leurs formes fantastiques et la torsion insensée de leurs tiges, sous des robes de mousses veloutées d’une adorable fraîcheur. L’olivier est un vilain arbre tant qu’il n’est pas arrivé à cet aspect de décrépitude colossale qu’il conserve pendant plusieurs siècles sans cesser d’être productif. En Provence, il est grêle et n’offre qu’une boule de feuillage blanchâtre qui rampe sur les champs comme des flocons de brume. Ici, il atteint des proportions énormes et donne un ombrage clair qui tamise le soleil en pluie d’or sur son branchage échevelé. Son tronc crevassé finit par éclater en huit ou dix segments monstrueux, auteur desquels les rejets plus jeunes s’enroulent comme des boas pris de fureur.

Cette forêt de Tivoli fait penser à la forêt enchantée du Tasse. On ne sait pas bien si ces arbres ne sont pas des monstres qui vont se mouvoir et rugir ou parler. Mais, pas plus que dans le génie tout italien du poëte, il n’y a, dans cette nature, de terreurs réelles. La verdure est trop belle, et les profondeurs bleuâtres que l’on aperçoit à travers ces entrelacements infinis sont d’un ton trop doux pour que l’imagination s’y assombrisse. Comme dans les aventures de la Jérusalem, on sent toujours la main des fées prête à changer les dragons de feu en guirlandes de fleurs, et les buissons d’épines en nymphes décevantes.

J’en étais là de ma rêverie, lorsque la belle Medora, qui