Page:Sand - La Daniella 1.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

coup d’œil que, par un ciel sombre et rougeâtre, présente la via Appia, cette route des tombeaux dont on parle moins dans les livres que de tout le reste, et dont je n’avais vu aucune image. Je crois que cela est en grande partie nouvellement exhumé et n’a pas encore eu trop de larmes de poëtes. Je vois qu’on fouille encore et que, tous les jours, on découvre de nouvelles tombes. Cette étroite, mais incommensurable perspective de ruines tumulaires, est d’un effet que vous pouvez rêver incomparable, sans crainte d’aller trop loin. C’est une route bordée, sans interruption, de monuments antiques de toute dimension et de toutes formes, avec un caractère harmonieux et une profusion de débris d’une grande beauté. On a rassemblé tous ces fragments épars et enfouis ; on a réussi à rétablir assez chaque tombeau pour qu’ils aient tous un sens, une physionomie, et la plupart de leurs inscriptions solennelles ou facétieuses. Cela s’étend dans la campagne de Rome pendant plus d’une lieue ; et, si l’on fouille toujours, on trouvera peut-être tous les monuments de cette route-cimetière qui allait jusqu’à Capoue.

Le pavé de lave basaltique sur lequel vous marchez est, en beaucoup d’endroits, la voie basaltique même, et les roues des voitures s’enfoncent dans les mêmes rainures qui furent creusées par le passage des chars. À droite et à gauche de cette voie, qui coupe à vol d’oiseau dans la campagne de Rome jusqu’à Albano, vous voyez s’élever, dans le désert, les doubles et triples lignes de ces aqueducs monumentaux dont la rupture et l’abandon font la beauté du tableau et, en partie, l’insalubrité du pays. Les souvenirs abondent : le tombeau de Sénèque, le champ de bataille des Horaces, le temple d’Hercule, le cirque de Romulus, et, ce qui est encore un monument debout et imposant, le mausolée splendide de Cecilia Metella ; mais je ne suis qu’un pauvre peintre, et je