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Je vais tâcher de les reprendre, ne dussé-je pas vous envoyer toutes ces écritures.

Mais si, pourtant ; il faut que je vous promène avec moi dans ce cimetière plus vaste, mais moins imposant mille fois que celui de Pise. Il faut vous montrer Rome comme elle m’apparaît, dussé-je vous faire partager ma désillusion.

Par où commencerai-je ? Par le Colisée. Vous connaissez, par la peinture, la gravure et la photographie, tous les monuments de l’Italie. Je ne vous en décrirai aucun. Je vous dirai seulement l’impression que j’en ai reçue. Celui-ci, quoique beaucoup plus vaste, en fait, que ceux de Nîmes et d’Arles, que j’ai vus dans mon enfance, est moins saisissant. La partie des gradins manque, et c’est ce revêtement qui donne à ces vastes arènes leur caractère solennel, et qui aide l’imagination à y reconstruire les terribles scènes du passé. Ici, ce n’est plus qu’une carcasse gigantesque, des constructions superposées dont on ne devinerait pas l’usage si on ne le savait pas d’avance. Et puis n’a-t-on pas imaginé de sanctifier ce lieu funeste par un chemin de croix, c’est-à-dire par un entourage intérieur de petites chapelles uniformes, microscopiques, il est vrai, mais, en revanche, d’un nu et d’un blanc si criard, qu’elles s’emparent de l’œil et le crèvent, quelque effort qu’il fasse pour s’en détacher ! Entre ces chapelles, des échafaudages de planches semblent destinés à un étalage forain ; c’est là que des capucins viennent prêcher pendant le carême. Ce que l’on nous racontait chez vous des incroyables bouffonneries de ces énergumènes, et des scènes burlesques que présentent ces prédications en plein vent, reste beaucoup au-dessous de la réalité. Il faut l’avoir vu et entendu, pour croire que cela existe encore. On dit que le haut clergé en rit, mais qu’il le tolère, et ne pourrait s’y opposer sans mécontenter le peuple.