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moi d’un air solennel et un peu tragique, m’adressa cette réprimande :

— Prenez garde à vous, mossiou (Je découvre que mossiou est son terme de mécontentement, tandis qu’excellence est son terme de satisfaction.) Prenez garde aux yeux de la Daniella ! C’est une Frascatine et une fille apparentée.

— Qu’entends-tu par ces paroles ?

BRUMIÈRES. — Je vas vous le dire, moi. J’ai failli y être pris, à l’occasion d’une certaine…

TARTAGLIA. — Je sais !

BRUMIÈRES. — Comment, tu sais ?

TARTAGLIA. — Eh ! oui ; vous ne vous souvenez pas de moi ; mais je vous ai remis tout de suite sur le vapeur. Il y a deux ans, quand, par occasion et faute de mieux, je tenais des ânes à Frascati, vous fîtes la cour à la Vincenza.

BRUMIÈRES. — C’est possible ; mais j’y renonçai vite en voyant qu’elle était apparentée ; c’est-à-dire, mon cher, ajouta-t-il en s’adressant à moi, qu’elle avait une famille établie au pays. On vous expliquera peu à peu comment, dans certains villages de la Campanie, et à Frascati particulièrement, il y a une population nomade, la caste des contadini (paysans), qui ne tient pas au sol, et une population stable, la caste des artisans. Ces derniers ont l’humeur austère à l’endroit des étrangers, et, dès qu’une fille de la tribu est recherchée par un touriste, un peintre, un amateur quelconque sans grande protection ni crédit, on lui impose le mariage… ou le duel au couteau. Seulement, on ne lui prête aucune espèce de couteau pour se défendre, et on le force à épouser on à fuir. C’est le sage parti que j’ai pris et que je vous conseille de prendre si jamais vous avez affaire, à Frascati, avec une fille ayant beaucoup de parents.