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VOTRE SERVITEUR. — Et moi ?

LA DANIELLA. — Vous me plairiez ! vous avez l’air sentimental. Mais vous aimez quelqu’un.

BRUMIÈRES. — C’est peut-être vous.

VOTRE SERVITEUR. — Qui sait ? ça pourrait venir !

LA DANIELLA. — Alors, vous n’aimez personne et vous vous moquez de nous. Je dirai cela à ma maîtresse.

BRUMIÈRES. — Ah çà ! ta maîtresse tient donc beaucoup à être aimée de monsieur ?

LA DANIELLA. — Elle ? Pas du tout.

VOTRE SERVITEUR. — Tu vois donc bien que je suis très-heureux de ne pas la trouver jolie ! Tu me plais cent fois davantage.

LA DANIELLA, levant les yeux au ciel. — Sainte Madone ! peut-on se moquer ainsi !

Je dois vous dire que, tout en me posant de la sorte, je disais jusqu’à un certain point la vérité. Seulement, je la disais sans préméditation aucune, et, vous pouvez m’en croire, sans dépit contre la Medora, comme sans projet de séduction sur la Daniella. Je trouve bien la première un peu impertinente à mon égard, de s’imaginer que je n’ai pu la voir sans perdre la tête ; mais elle est assez belle pour qu’on prenne en considération son orgueil d’enfant gâtée. Je le lui pardonne. Le fait est qu’elle ne m’est pas sympathique, qu’elle me semble étrange, trop occupée d’elle-même, trop poseuse de courage martial et de goût raphaélesque. Si j’avais quelque raison pour aimer sa soubrette, ce dont le ciel me préserve, car je la crois très-délurée, je m’arrangerais beaucoup mieux avec l’expression de sa figure et le type de sa beauté ; je dis beauté, quoiqu’elle soit tout au plus jolie. Vous me direz si vous la voyez telle, d’après le portrait que je vais vous faire.

Je voudrais vous montrer une de ces puissantes beautés