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qui sépare le désir de la lassitude, et le rêve du souvenir.

Et le jeune homme à l’imagination avide cherchait déjà de l’œil, dans le fond du cirque des hautes montagnes, l’invisible route qu’il aurait à suivre pour monter vers le nord, ou pour passer en Norvége. Déjà il s’y voyait en rêve, suspendu au bord des abîmes et chantant quelque folle tarentelle, à la grande stupéfaction des antiques échos Scandinaves, lorsque les sons d’un orchestre éloigné apportèrent à son oreille les refrains classiques d’une vieille chanson française, probablement très-moderne chez les Dalécarliens. C’était la musique du bal donné dans le château neuf, par le baron Olaüs de Waldemora, à ses voisins de campagne, en l’honneur de la charmante Marguerite d’Elvéda.

Cristiano rentra en lui-même. Tout à l’heure il avait des ailes pour s’envoler au cap Nord ; maintenant, toute sa pensée, toute son aspiration, toute sa curiosité se reportaient sur ce château illuminé qui rayonnait au bord du lac, et semblait exhaler dans l’atmosphère des bouffées de chaleur artificielle.

— Ce qu’il y a de certain, se dit-il, c’est que, pour cinq cents écus (et Dieu sait pourtant si j’aurais besoin de cinq cents écus !), je ne quitterais pas cet étrange pays ce soir, dussé-je être transporté par les