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et le baron lui-même, qui pense mal de tout le monde, n’ose parler mal de vous. J’ai tant d’estime et de confiance en vous, que je guettais votre arrivée ici, et il faut que je vous dise comment l’idée de vous voir m’est venue : ce sera vous dire en deux mots mon histoire, que ma tante ne vous a peut-être pas racontée bien exactement.

» J’ai été élevée au château de Dalby (dans le Wœrmland, à une vingtaine de lieues d’ici), sous les yeux de ma tutrice, la comtesse Elfride d’Elvéda, sœur de mon père. Quand je dis sous ses yeux… Ma tante aime le monde et la politique. Elle suit la cour à Stockholm, et les affaires de la diète l’intéressent plus que moi, qui, depuis ma naissance, vis dans un assez triste manoir avec une gouvernante française, mademoiselle Potin. Celle-ci heureusement est très-douce et m’aime beaucoup. Ma tante vient, deux fois par an, voir si j’ai grandi, si je parle bien français et russe, si je ne manque de rien, et si le rigide pasteur de notre église veille bien à ce que nous ne recevions jamais d’autre visite que la sienne et celle de sa famille.

— Et ce n’est pas gai ?

— Non ; mais j’aurais tort de me trouver malheureuse. Je travaille beaucoup avec ma gouvernante, je suis assez riche et ma tante est assez généreuse