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à l’aise !… Eh ! oui, fort bien ! pensa Cristiano en endossant la pelisse et en coiffant le bonnet. Quand je songe que j’ai travaillé dix ans à des choses sérieuses pour ne pas avoir de quoi revêtir d’un bon manteau mon pauvre corps, aujourd’hui fourvoyé dans les régions hyperboréennes !

Cristiano avait étalé ses provisions sur la table, savoir : une langue de Hambourg fort appétissante, un jambon d’ours fumé à point et un superbe tronçon de saumon fumé et salé.

Pour manger plus à l’aise, il allait se débarrasser de la toilette de voyage du docteur, lorsqu’il lui sembla entendre un bruit de clochettes passer sous l’unique fenêtre de la salle de l’ourse. Cette grande fenêtre, située vis-à-vis du poêle, était cependant garnie d’un double châssis vitré, comme dans toutes les demeures confortables, anciennes ou modernes, des pays septentrionaux ; mais le châssis extérieur attestait l’état d’abandon du Stollborg. Presque toutes les vitres étaient brisées, et, comme le vent avait cessé, on entendait distinctement les bruits extérieurs, les masses de neige nouvellement tombée se détachant des anciennes couches solidifiées et s’effondrant avec un son mat et mystérieux le long des rochers à pic, les lointaines clameurs de la ferme sur la rive du lac, et les gémissements plaintifs des chiens