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théâtre dont les décors bien entendus, la dimension, les plans et l’encadrement sont bien en proportion avec les personnages, vous oubliez complètement que vous n’êtes pas vous-même en proportion avec cette petite scène et ces petits êtres, vous oubliez même que la voix qui les fait parler n’est pas la leur. Ce mariage, impossible en apparence, d’une tête grosse comme mon poing et d’une voix aussi forte que la mienne s’opère par une sorte d’ivresse mystérieuse où je sais vous faire entrer peu à peu, et tout le prodige vient… Savez-vous d’où vient le prodige ? Il vient de ce que ce burattino n’est pas un automate, de ce qu’il obéit à mon caprice, à mon inspiration, à mon entrain, de ce que tous ses mouvements sont la conséquence des idées qui me viennent et des paroles que je lui prête, de ce qu’il est moi enfin, c’est-à-dire un être, et non pas une poupée.

Ayant ainsi parlé avec une grande vivacité, Cristiano descendit l’escalier, posa la marionnette sur la table, ôta son habit en demandant pardon à M. Goefle d’avoir trop chaud, et se remit à cheval sur sa chaise pour reprendre le fil de son histoire. Pendant cette bizarre interruption, M. Goefle avait eu une attitude non moins comique.

— Attendez donc ! dit-il en prenant le burattino ; tout ce que vous avez dit là est vrai et bien raisonné.