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jours, j’espérais, en voyant que c’était jour de marché dans ce village, pouvoir me débarrasser sans danger de mon fonds de commerce ; mais, comme je trouvais peu de chalands à cause de la concurrence que me faisait un Piémontais porteur d’un grand étalage de plâtres moulés, j’imaginai de m’asseoir par terre et de me mettre à travailler ma pierre avec mon canif à la vue de la population, bientôt rassemblée autour de moi. Dès lors j’eus le plus grand succès. La promptitude et probablement la naïveté de mon travail charmèrent l’assistance, et ces bonnes gens se livrèrent autour de moi, les femmes et les enfants surtout, à des démonstrations d’étonnement et de plaisir qui me firent du mouleur piémontais un rival jaloux et irrité. Celui-ci m’interpella plusieurs fois avec grossièreté sans que je perdisse patience. Je voyais bien qu’il cherchait bataille pour me forcer à décamper, et je me contentai de me moquer de lui, en lui disant de faire lui-même ses statuettes, et de montrer ses talents à la compagnie : en quoi je fus fort applaudi. En Italie, le plus bas peuple aime tout ce qui sent l’art. Mon concurrent fut bafoué et traité de stupide machine, tandis qu’on me décernait à grand bruit le titre d’artiste.

» Le méchant drôle imagina une grande noirceur pour se venger. Il laissa choir exprès deux ou trois