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breuse et illustre société. On nous envoie l’argent du voyage ; si nous ne l’avons plus, ce n’est pas notre faute. On nous promet une bonne somme, dont je prétends te faire part généreusement, bien que tu ne sois qu’apprenti où je suis maître ; nous devons nous tenir pour satisfaits, à la condition toutefois qu’on ne nous laissera pas mourir de froid et de faim. Or, il se trouve que nous arrivons de nuit et dans un moment où l’illustre société soupe, où les recommandables laquais ont envie de souper, et où les voyageurs attardés ont tort de vouloir souper. Avisons donc à souper aussi ce soir, afin d’être en état de tenir demain nos engagements. En faisant main basse sur quelques plats et quelques bouteilles, nous n’offensons pas le ciel, et nous ne sommes pas des imbéciles ; mais, en fourrant des couverts d’argent dans nos poches et du linge sous le bât de notre âne, nous ne ferions que des âneries, vu que les couverts d’argent ne valent rien dans l’estomac, et que le linge se coupe quand on le cache sous un bât. Est-ce entendu, Puffo ? Récolte de vivres, c’est légitime ; mais point de vol, ou cent coups de bâton sur tes côtes ; telle est ma manière de voir.

— C’est entendu, répondit Puffo en levant les épaules ; il y a assez longtemps que j’écoute pour ça ! Vous êtes un fameux bavard, vous !