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— Je vous demande bien pardon, monsieur Goefle ; mais j’en jugeai autrement. Étant l’unique héritier de Goffredi, j’avais le droit de laisser manger mon bien par ma tutrice.

— Non ! vous n’aviez pas ce droit-là. Vous étiez mineur ; la loi protège ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes.

— C’est ce qui me fut dit ; mais j’étais si bien en état de me protéger moi-même, que je menaçai l’avocat de le jeter par les fenêtres, s’il ne renonçait à son infâme proposition. Mettre ma mère dans une maison d’aliénés ! Il fallait donc m’y enfermer aussi, moi dont elle ne pouvait se passer un seul instant, et qui serais mort d’inquiétude en la sachant livrée à des soins mercenaires ! La priver du seul amusement qui pût exercer sur elle l’influence d’un rassérénement pour ainsi dire magique ! lui arracher le droit de manifester et d’endormir ses regrets par des édifices ruineux, insensés, je le veux bien, mais qui ne faisaient de tort ni de mal à personne ! Et qu’importait notre maison pleine de tombeaux à M. l’avocat gras et fleuri ? Qui le forçait de venir s’apitoyer sur l’argent dépensé en pure perte, ou se moquer des aberrations de douleur de la pauvre veuve ? Je tins bon, la famille me blâma, l’avocat me déclara insensé ; mais ma mère resta tranquille.