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taux connus ; on exécuta des maquettes de sculpture et de fonderie en si grande quantité, que la maison ne pouvait plus les contenir. Il y en avait jusque sur les lits, et les voyageurs, prenant notre maison pour un musée, venaient la visiter et nous demander l’explication des sujets bizarres qu’ils voyaient représentés. La pauvre Sofia se plaisait à les recevoir et à leur expliquer ses idées. Ils s’éloignaient alors, peinés et attristés d’être venus là, quelques-uns riant et haussant les épaules. Les misérables ! leur ironie me faisait l’effet d’un crime.

» Cependant nos ressources s’épuisaient. M. Goffredi avait laissé à sa femme l’entière jouissance de sa petite fortune, dont je devais hériter un jour. Un conseil de famille s’assembla, autant dans mon intérêt, disait-on, que pour se conformer aux intentions de mon père à mon égard. Un avocat décida qu’il fallait faire prononcer l’interdiction de la pauvre Sofia, faire défense aux artistes, fondeurs, praticiens et fournisseurs de matières coûteuses, de lui rien livrer, et aviser, quant à elle, à la faire entrer dans une maison d’aliénés, puisque inévitablement cette contrariété amènerait chez elle l’état de paroxysme et de fureur dangereuse pour les autres.

— L’avocat avait raison, dit M. Goefle ; ce parti était douloureux, mais nécessaire.