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rembarrer avec mon amour pour tout ce que l’on appelait indistinctement le gotico, c’est-à-dire pour tout ce qui n’était pas du siècle de Périclès, d’Auguste ou de Raphaël. C’est même tout au plus si mon père adoptif consentait à admirer le dernier. Il ne s’enthousiasmait que pour les ruines de Rome, et, lorsqu’il m’y eut conduit, il fut surpris et scandalisé de m’entendre dire que je ne voyais rien là qui pût me faire oublier cette royale fantaisie et ce groupe théâtral de notre piazza del Duomo, avec son grand palais rouge et noir, son assemblage de splendeurs variées, et ses petites ruelles tortueuses qui se précipitent tout à coup, d’un air de mystère un peu tragique, sous de sombres arcades.

» J’avais alors quinze ou seize ans, et je commençais à pouvoir expliquer mes goûts et mes idées. Je sus exposer à mon père comme quoi je sentais en moi des instincts d’indépendance absolue en matière de goût et de sentiment. J’éprouvais le besoin d’étendre mon admiration ou ma jouissance intellectuelle à tous les élans du génie ou de l’invention de l’homme, et il m’était impossible d’emprisonner ma sensation dans un système, dans une époque, dans une école. Il me fallait, en un mot, la liberté d’adorer l’univers, Dieu et l’étincelle divine donnée à l’homme, dans tous les ouvrages de l’art et de la nature.