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vie ; mais quel lac, monsieur ! le lac de Pérouse, autrement dit de Trasimène ! Vous n’avez jamais été en Italie, monsieur Goefle ?

— Non, à mon grand regret ; mais, en fait de lacs, nous en avons en Suède auprès desquels vos lacs italiens ressembleraient à des cuvettes.

— Je ne dis pas de mal de vos lacs ; j’en ai vu déjà plusieurs. Ils sont beaux probablement en été. En hiver, avec leurs mjelgars (c’est ainsi, n’est-ce pas ? que vous appelez ces immenses éboulements sablonneux qui arrivent sur le rivage avec leurs arbres verts, leurs rochers et leurs bizarres déchirures), je conviens qu’ils sont encore très-extraordinaires. Le givre et la glace qui enchaînent toutes ces formes étranges, et qui, du moindre brin d’herbe, font une guirlande de diamants ; ces inextricables réseaux de ronces que l’on prendrait pour de savants et immenses ouvrages en verre filé ; ce beau soleil rouge sur tout cela ; ces cimes déchiquetées là-haut qui brillent comme des aiguilles de saphir sur la pourpre du matin… oui, je reconnais que cette nature est grandiose, et que ce que je vois de cette fenêtre est un tableau qui m’éblouit ; mais il m’éblouit, monsieur, et c’est là toute la critique que j’en veux faire. Il m’exalte, il m’élève au-dessus de moi-même… C’est beaucoup sans doute que l’enthousiasme ; mais