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éclairé, austère, mais despotique et intolérant. La bourgeoisie, si utile à l’État et si patriarcale dans ses mœurs, compte peu. Le paysan n’est rien, et le roi moins que rien. Quand un noble est riche, ce qui est rare heureusement, il tient dans sa main tous les intérêts, toutes les destinées de sa province, et c’est pour mener hommes et choses à sa guise ou à leur perte. Sachez donc que, si nous autres, jeunes officiers, nous boudions l’illustre châtelain de Waldemora, nous pourrions bien, non pas perdre notre grade, qui est indélébile à moins de forfaiture, mais être forcés par des persécutions inouïes de quitter nos cantonnements, nos maisons, nos propriétés, nos affections, comme une simple garnison, en dépit des inviolables lois de l’indelta.

Deux autres jeunes gens entrèrent pour fumer, et Cristiano se hasarda à leur demander si la comtesse Elfride avait reparu dans le bal.

— Voilà un habile compère ! lui répondit l’un d’eux ; vous ne nous ferez pas croire que vous vous intéressez à la méchante comtesse d’Elvéda ! Mais sachez que son aimable nièce a disparu en même temps que vous, et que sa tante la fait passer pour être très-estropiée.

— Que dites-vous qu’elle a disparu ? s’écria Cristiano, que le mot épouvanta plus que de raison.