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sans se mépriser soi-même, et qui ne s’estime pas dans son œuvre est frappé d’impuissance. Était-elle superbe et comique, cette tante qui me disait tranquillement :

« J’ai une nièce à immoler ; aidez-moi vite, vous serez payé : vous aurez une place de premier valet dans une bonne maison ! »

Mais Cristiano fit trêve à ses réflexions philosophiques en entrant dans la salle qu’il cherchait, et qu’il reconnut à une odeur de venaison vraiment délicieuse. C’était une jolie rotonde, où de petites tables volantes étaient destinées, en attendant l’heure du grand souper général, à satisfaire les appétits impatients. Comme, à neuf heures, tout le monde avait grandement fait honneur à la table du baron, la salle était vide, à l’exception d’un laquais profondément endormi que Cristiano se garda bien d’éveiller, dans la crainte de passer pour glouton et mal-appris. Il s’empara, sans chercher et sans choisir, d’une galantine apprêtée à la française ; mais, comme il y enfonçait le couteau à manche de vermeil, la porte s’ouvrit avec fracas, le laquais, éveillé en sursaut, se trouva sur ses pieds, comme mû par un ressort, et M. Stangstadius entra, faisant trembler les cristaux et les porcelaines par l’ébranlement qu’imprimait au parquet sa démarche inégale et violente.

— Eh ! parbleu ! s’écria-t-il en voyant Cristiano, je