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MAXWELL, se relevant.

Quel intérêt ? l’intérêt du cœur et de la conscience ! Le parjure, avez-vous dit ?… Oui, une malheureuse femme, à qui vous devez la vie, a violé la foi jurée ; mais qui donc, après lui en avoir donné l’exemple, lui a imposé la triste fatalité de l’abandon ? Savez-vous ce que c’est que l’abandon ? C’est la flétrissure imméritée de la femme ; c’est son innocence première révoquée publiquement en doute ; c’est le soupçon autorisé ; c’est l’audace de tous encouragée ; c’est l’égarement et la défaillance de l’être faible à qui, son maître, son légitime protecteur a dit tout à coup : « Reste là, au milieu du chemin, j’appartiens à un autre amour, et tu me gênes. Garde-toi toi-même, ou ne te garde pas, peu m’importe… Il me sera même utile que tu sois coupable pour m’autoriser à l’être de plus en plus ! » Il est donc respectable, celui qui parle et agit de la sorte ? Celui qui, rencontrant cette femme brisée, exposée à toutes les insultes, livrée au premier passant que le désir ou la pitié arrêtera auprès d’elle, la relève, la prend dans ses bras, lui donne sa vie, celui-là, c’est le coupable ? rien ne l’absoudra, ni sa passion, ni sa jeunesse, ni son repentir, ni son sang versé pour elle ? Eh bien, libre à vous de le croire, mais je sens là, moi, contre les arrêts implacables une révolte brûlante, et j’en appelle à la justice de l’avenir ! Il faudra bien que la pitié entre dans les jugements humains et qu’on choisisse entre protéger ou pardonner ! Mais le monde ne comprend pas encore cela, et sa voix vous parle plus haut que la mienne ! Adieu donc, adieu, Hélène ! Je vais dire à votre père une parole qui le tuera peut-être : « Ton enfant… ton enfant te renie ! »

Il va sortir, mouvement d’Hélène et de Marcus pour le retenir. Il se hâte vers le fond. La comtesse qui est entrée avec Jeanne sur ces derniers mots, le prend par la main et le ramène vers Hélène qu’elle regarde avec émotion.