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les solitudes de l’air et dans les plaines du ciel. J’ai rencontré la face effarée des ombres dispersées par un souffle de la nuit. Quels trésors d’imagination, quelles merveilleuses richesses de la nature n’ai-je pas épuisées dans ces vaines hallucinations du sommeil ? Aussi à quoi m’a servi de voyager ? Ai-je jamais rien vu qui ressemblât à mes fantaisies ? Oh ! que la nature m’a semblé pauvre, le ciel terne et la mer étroite, au prix des terres, des cieux et des mers que j’ai franchies dans mon vol immatériel ! Que reste-t-il à la vie réelle de beautés pour nous charmer, à l’ame humaine de puissances pour jouir et admirer, quand l’imagination a tout usé d’avance par un abus de sa force ?

Ces songes étaient pourtant l’image de la vie : ils me la montraient obscurcie par le trop vif éclat d’une lumière surnaturelle, comme les faits de l’avenir et l’histoire du monde sont écrits sombres et terribles dans les poésies sacrées des prophètes. Traînée à