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ou un remords. Et moi, je cours encore : car un charme fatal m’entraîne vers ce protée qui ne s’arrête jamais, qui semble parfois s’engloutir au loin dans le flot rouge de l’horizon, et qui tout-à-coup sort de terre sous mes pieds pour m’imprimer une direction nouvelle.

Hélas ! que d’univers j’ai parcourus dans ces voyages de l’ame ! J’ai traversé les steppes blanchies des régions glacées. J’ai jeté mon rapide regard sur les savanes parfumées où la lune se lève si belle et si blanche. J’ai effleuré sur les ailes du sommeil ces vastes mers dont l’immensité épouvante la pensée. J’ai devancé à la course les navires les plus fins voiliers et les grandes hirondelles de proie. J’ai, dans l’espace d’une heure, vu le soleil se lever aux rivages de la Grèce et se coucher derrière les montagnes bleues du Nouveau-Monde. J’ai vu sous mes pieds les peuples et les empires. J’ai contemplé de près la face rouge des astres errans dans