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duites à se disputer les débris d’un monde usé qui ne suffira plus à leurs besoins.

— Vous croyez à l’approche du jugement dernier ? Ô ma triste Lélia ! c’est votre ame ténébreuse qui enfante ces terreurs immenses, car elle est trop vaste pour de moindres superstitions. Mais, dans tous les temps, l’esprit de l’homme a été préoccupé de ces idées de mort. Les ames ascétiques se sont toujours complues dans ces contemplations sinistres, dans ces images de cataclysme et de désolation universelle. Vous n’êtes pas un prophète nouveau, Lélia ; Jérémie est venu avant vous, et votre poésie dantesque et colère n’a rien créé d’aussi lugubre que l’Apocalypse, chantée dans les nuits délirantes d’un fou sublime aux rochers de Pathmos.

— Je le sais, mais la voix de Jean le rêveur et le poëte fut entendue et recueillie ; elle épouvante le monde, et toute inintelligible qu’elle semblait, elle rallia par la peur à la foi chrétienne un grand nombre d’intelligences