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si elle les connaissait, comme si nos pieds avaient foulé jadis cette patrie inconnue qui pourtant, nous le croyons, ne nous a vu ni naître ni mourir. Pauvres hommes, que savons nous ?

— Nous savons seulement que nous ne pouvons pas savoir, dit Sténio.

— Eh bien, voilà ce qui nous dévore, Sténio ! reprit-elle ; c’est cette impuissance que tout un univers asservi et mutilé peut à peine dissimuler sous l’éclat de ses vains trophées. Les arts, l’industrie et les sciences, tout l’échafaudage de la civilisation, qu’est-ce, sinon le continuel effort de la faiblesse humaine pour cacher ses maux et couvrir sa misère ? Voyez si, en dépit de ses profusions et de ses voluptés, le luxe peut créer en nous de nouveaux sens, ou perfectionner le système organique du corps humain ; voyez si le développement exagéré de la raison humaine a porté l’application de la théorie dans la pratique, si l’étude a poussé la science au-delà de