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ver le roc et à fendre le schiste, ces voix inconnues, ces vagues soupirs que le sol, toujours en proie aux souffrances de l’enfantement, exhale ici par ses flancs entr’ouverts ; ne trouvez-vous pas tout cela plus splendide, plus harmonieux que l’église et le théâtre ?

— Il est vrai que tout cela est beau, et c’est ici qu’il faut venir voir ce que la terre possède encore de jeunesse et de vigueur. Pauvre terre ! elle aussi s’en va !

— Que dites-vous donc, Lélia ? Pensez-vous que la terre et le ciel soient coupables de notre décrépitude morale ? Insolente rêveuse, les accusez-vous aussi ?

— Oui, je les accuse, répondit-elle, ou plutôt j’accuse la grande loi du temps, qui veut que tout s’épuise et prenne fin. Ne voyez-vous pas que le flot des siècles nous emporte tous ensemble, hommes et mondes, pour nous engloutir dans l’éternité comme ces feuilles sèches qui fuient vers le précipice, entraînées par l’eau du torrent ? Hélas ! nous