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cette fleur que tu viens de respirer et que maintenant tu abandonnes sur le gravier du ruisseau. Si à me voir emporté comme elle et ballotté, flétri, au caprice de l’onde, tu trouves quelque amusement, quelque satisfaction ironique et cruelle, déchire-moi, foule-moi sous ton pied ; mais n’oublie pas qu’au jour, à l’heure où tu voudras me ramasser et me respirer encore, tu me retrouveras fleuri et prêt à renaître sous tes caresses.

Eh bien ! pauvre femme, tu m’aimeras comme tu pourras. Je savais bien que tu ne pouvais plus aimer comme j’aime ; d’ailleurs, il est juste que tu sois la plus adorée et la plus souveraine de nous deux. Je ne mérite pas l’amour que tu mérites, je n’ai pas souffert, je n’ai pas combattu comme toi ; je ne suis qu’un enfant sans gloire et sans blessures en face de la vie qui commence et de la lutte qui s’ouvre. Toi sillonnée de la foudre, toi cent fois renversée et toujours de-