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Le fou pâlit et reprit son récit avec la sotte frayeur d’un enfant.

— Eh bien ! dit-il d’une voix tremblante et avec un regard timide, sachez ce qui m’arrivait alors. Je reniais Dieu, je maudissais mon destin, je déchirais avec mes ongles les dentelles de l’aube sans tache dont j’étais revêtu. Oh ! je perdais mon ame, et pourtant je luttais… Alors… ô mon Dieu, par quelles épreuves vous me faisiez passer !… Je voyais, du fond de la nef assombrie, venir une ombre qui semblait fendre la pierre des cercueils. Et cette ombre, insaisissable et flottante d’abord, grandissait avec mon épouvante et venait me saisir dans ses bras livides. C’était une horrible apparition : je me débattais contre elle, je l’implorais en vain, je me jetais à genoux devant elle comme devant Dieu.

— Lélia, Lélia ! lui disais-je. Que me demandes-tu ? Que veux-tu de moi ? Ne t’ai-je pas offert un culte profane dans mon cœur ? Ton nom ne s’est-il pas mêlé sur mes lèvres aux