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milieu des tempêtes politiques ! Tandis que le riche, vaillant ou découragé, abandonne son bien-être, son industrie, ses espérances personnelles, pour fuir ou pour combattre, le vieux paysan, triste et grave, continue sa tâche et travaille pour l’an prochain. Son grenier est à peu près vide ; mais, fût-il plein, il sait bien que d’une manière ou de l’autre il lui faudra payer les frais de la guerre. Il sait que cet hiver sera une saison de misère et de privations ; mais il croit au printemps, lui ! La nature est toujours pour lui une promesse, et je l’ai trouvé moins affecté que moi en voyant mourir cet été le dernier brin d’herbe de son pré, la dernière fleurette de son sillon. J’avais un chagrin d’artiste en regardant périr la plante, la fleur, ce sourire pur et sacré de la terre, cette humble et perpétuelle fête de la saison de vie. Tandis que je me demandais si le sol n’était pas à jamais desséché, si la sève de la rose n’était pas à jamais tarie, si je retrouverais jamais l’ancolie dans les foins ou la scutellaire au bord de l’eau tarie, il ne se sou-