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de la fonction spéciale qui nous lie à la terre par un contrat passé entre nous, chacun de nous s’appartient.

Le paysan comprend fort bien ; mais il ne veut pas qu’il en soit ainsi. Il ne veut pas être l’égal du maître, parce qu’il ne veut pas, sur l’échelon infime qu’il occupe, admettre un pouvoir égal au sien. Il prend la société pour un régiment où la consigne est de toutes les heures. Aussi se plie-t-il au régime militaire avec une prodigieuse facilité. Là où le bourgeois porte une notion de dévouement à la patrie qui lui fait accepter les amertumes de l’esclavage, le paysan porte la croyance fataliste que l’homme est fait pour obéir.

On s’assemble sur la place du village, ont fait l’exercice avec quelques fusils de chasse et beaucoup de bâtons. Il y a là encore de beaux hommes qui seront pris par la prochaine levée et qui n’y croient pas encore. On sort du village, on apprend à marcher ensemble, à se taire dans les rangs, à se diviser, à se masser. L’un d’eux disait :