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Dimanche 13 novembre.


Nous voici tous revenus définitivement au bercail. Définitivement !… c’est un joli mot par le temps qui court. Mes petites sont ivres de joie de retrouver leurs chambres, leurs jouets, leur chien, leur jardin. À cet âge, un jour de joie, c’est toujours ! Leur gaieté nous donne un instant de bonheur, nous n’en avons plus d’autre.

On se demande si l’on pourra supporter quelque temps encore ce désespoir général sans devenir fou, lâche ou méchant. Ceux qui sont fous, lâches ou méchants semblent moins à plaindre. Leur délire, leurs convoitises, leur passion, sont dans un état d’ébullition qui les soutient sur le flot ; écumes en attendant qu’ils soient scories, ils flottent et croient qu’ils nagent !

Tout entier à l’horreur de la réflexion, celui qui aime l’humanité n’a plus le temps de s’aimer lui-même. Il n’a pas de but personnel, il n’a pas