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l’hiver prochain. Celui qui n’a pas la même préoccupation personnelle est malheureux autrement, sa souffrance est plus noble, mais elle est plus profonde et plus constante. Il ne se dit pas comme l’avare qu’il réussira peut-être, à force de soins, à ne pas trop manquer. Quand l’avare a saisi cette espérance, il s’endort rassuré. L’autre, celui qui fait bon marché de lui-même, ne réfléchit pas tant à son lendemain. Son sommeil est un rêve amer où l’âme se tord sous le poids du malheur commun. Pauvre soldat de l’humanité, il veut bien mourir pour les autres, mais il voudrait que les autres fussent assurés de vivre, et quand la voix de la vision crie à son oreille : Tout meurt ! il s’agite en vain, il étend ses mains dans le vide. Il se sent mourir autant de fois qu’il y a de morts sur la terre.


22 septembre.


Heureux ceux qui croient que la vie n’est qu’une épreuve passagère, et qu’en la méprisant