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qu’il professait une foi absolue dans le jugement et la pénétration de miss Love, enfin qu’il s’en remettrait aveuglément à elle pour le choix d’un époux, et que c’était d’elle-même et d’elle seule que je pouvais espérer de l’obtenir.

Dès lors, je me sentis plus tranquille. Cet homme, sans volonté pour tout ce qui n’était pas la science, ne pouvait pas songer à enchaîner ma vie à la sienne, et je n’aurais probablement point à discuter le plus ou moins de liberté que je conserverais en vivant sous son toit. Je ne prévis pas un instant que Love pût avoir un autre sentiment que moi-même, si j’arrivais à me faire aimer d’elle.

C’est à quoi, dès lors, tendirent tous mes vœux et toutes mes pensées. Je l’aimais, moi, et je puisais dans la sincérité de mes sentiments la confiance de me faire comprendre. Malheureusement, les conditions du mariage dans les classes aristocratiques sont détestables en France, surtout en province. Les demoiselles y sont gardées comme des amorces mystérieuses qu’il n’est permis de connaître que lorsqu’il est trop tard pour se raviser. On craint de les compromettre en leur laissant la liberté d’examen. Le commérage bas et méchant, que l’on ne craint pas d’appeler l’opinion (calomniant ainsi l’opinion des honnêtes gens), s’empare avidement des commentaires que peut faire