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pas, elle me tournait le dos. Le chemin, plus bas que le parc, me permettait de l’examiner. Le chêne trapu masquait mon cheval, qui se mit à brouter. Je m’assis sur le rebord du fossé, et je regardai à travers le buisson encore grêle, que ma tête ne dépassait point.

Love Butler avait une robe lilas rosé, très-simple, mais d’un goût charmant. Je voyais son buste, un vrai chef-d’œuvre de délicatesse et d’élégance, se dessiner au soleil sur un fond de verdure sombre. Elle avait la tête nue, exposée sans crainte à ce soleil ardent. Son ombrelle blanche était auprès d’elle avec un livre ouvert et un gros bouquet de fleurs sauvages. Elle riait en parlant à un interlocuteur invisible que je devinai au mouvement des branches d’un arbre voisin, et qui bientôt sauta légèrement auprès d’elle. C’était le petit Butler. Il avait été chercher sur le sapin une de ces longues chevelures de mousse vert pâle dont ces arbres se couvrent durant l’hiver comme d’un vêtement contre le froid, et qui, devenues sèches et blanchâtres, tombent peu à peu durant l’été. Je ne sais ce qu’ils voulaient faire de cette plante. Ils parlaient anglais, et j’étais très-mortifié de ne comprendre que peu de mots. Eux aussi s’occupaient-ils de botanique ! J’en eus bien peur : une femme savante !… Mais ils se mirent à effilocher cette mousse, tout en babillant comme deux fauvettes, parfois avec cette