Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

ma mère, dont la tristesse m’accablait comme un joug sacré. Il y avait donc en moi une certaine énergie, mais dont je ne me rendais pas bien compte, et que la plupart du temps je regardais comme un malheur de mon organisation.

— À quoi bon se sentir fort et ardent, me disais-je, quand la raison condamne tout ce qui n’est pas la patience et la soumission ? Il est bien certain que j’étouffe, mais c’est apparemment que mes poumons sont trop larges pour le peu d’air que le destin mesure aux aspirations humaines.

Au milieu de tout cela, j’étais peu religieux. Ma mère, irréprochable et pourtant foudroyée par une éternelle douleur, m’apparaissait comme une gratuite cruauté de cette Providence qu’elle invoquait souvent sans avoir l’air d’y croire. La vision d’un monde meilleur auquel elle semblait aspirer, sans que sa vie en parût allégée, me faisait l’effet d’une déception. Enfin tout en moi tendait au matérialisme, et je n’avais réellement qu’un besoin, celui de satisfaire mes passions.

Trois mois de la vie parisienne les apaisèrent jusqu’à la satiété, et, un beau matin, je pris ma tête dans mes mains en me demandant pourquoi j’étais né ; si c’était pour m’abrutir avec des compagnons sans cervelle et des filles sans cœur, ou pour retourner m’éteindre lentement dans le même cercueil où ma