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même. Ainsi, cette excellente mère, dans la crainte de me gâter par trop de tendresse, travaillait, sans y songer, à me rendre égoïste. C’était peut-être aussi un calcul. En raison du caractère ardent qu’elle devinait en moi, elle voulait me préserver d’une trop grande facilité à m’oublier moi-même et à me sacrifier. Et pourtant elle ne prêchait pas d’exemple, car sa vie entière était un sacrifice en vue de moi seul. Son économie, ses privations, son existence sédentaire, son oubli de toute élégance, n’avaient pour but que de me procurer un peu de bien-être dès que j’en sentirais le besoin. Elle y travaillait, non pas avec l’ardeur que ne comportait pas son organisation, mais avec une ténacité patiente, ne se plaignant jamais de rien, endurant une vitre brisée dans sa chambre et l’absence d’un tapis sous ses pieds sans paraître se souvenir qu’il lui était possible de mieux vivre, et ne laissant que bien peu entrevoir son ambition, qui était de me créer quelques ressources en dehors de nos minces revenus.

Elle parvint à faire ce miracle avec d’autant plus d’intelligence qu’ayant été élevé par elle dans des habitudes matérielles assez rudes, je devais sentir plus vivement le prix d’un peu d’allégement. Je me crus donc immensément riche le jour où elle mit dans mes mains quelques rouleaux d’or en me disant :

— Mon fils, vous voilà en âge de vous former au