Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée

de comprendre et de ne jamais oublier que Love était une créature d’élite dont je devais vouloir être digne, sous peine de me mépriser moi-même, et ce noble travail de ma volonté devint bientôt une douce et chère habitude dont l’ardente reconnaissance de ma bien-aimée me paye largement à toutes les heures de ma vie.

Nous avons traversé ensemble des jours mauvais, partagé des douleurs poignantes. Nous avons perdu des enfants adorés ; nous avons craint une seconde fois de perdre notre adorable père et ami, M. Butler ; nous avons fermé les yeux du pauvre Black, victime prématurée d’un travail trop assidu et trop minutieux. Mais il n’est pas de douleurs, d’inquiétudes et de regrets que nous ne puissions supporter ensemble, et nous nous aimons trop l’un l’autre pour ne pas aimer la vie, quelque éprouvée qu’elle puisse être. Nous avons reporté sur les enfants qui nous restent l’amour que nous portions à ceux que nous avons tant pleurés, et nous avons la confiance de prolonger, par nos soins, la vie précieuse de leur grand-père, comme nous avons la conscience d’avoir adouci, par notre affection dévouée, l’agonie philosophique et résignée de son digne ami Junius.

Hope a été moins courageux que nous dans nos chagrins domestiques, et même la mort de M. Black,