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les fêtes du cœur pour jeter son poison au fond de la coupe.

— Qu’est-ce donc, selon vous, que le diable ? lui dis-je. Croyez-vous à la fatalité, comme les Orientaux ?

— Je crois à la fatalité, répondit-elle, mais non pas à la fatalité souveraine. Je crois qu’elle est toujours là, prête à nous entraîner, mais que notre bonheur et notre devoir en ce monde consistent dans la mesure de nos forces pour tuer ce démon sauvage qui n’est autre chose que l’excès des désirs et des aspirations de notre âme aux prises avec l’impossible. Voilà toute ma philosophie. Elle n’est ni longue ni embrouillée. Résister et combattre, voilà tout ; résister à l’orgueil et combattre les exigences qu’il suggère.

— Le pourrons-nous, ô ma belle guerrière ?

— Oui, mon cher Otello, nous le pourrons, parce que nous avons cultivé notre esprit, notre raison, notre volonté par conséquent, et qu’au lieu de les négliger, nous allons nous aider l’un l’autre à les cultiver toujours davantage. Tout ce que nous donnerons de lucidité à notre intelligence nous sera rendu en confiance, en adoration réciproque par notre cœur assaini et renouvelé… Tenez ! avouons-nous une bonne fois que, depuis cinq ans, nous avons du dépit l’un contre l’autre, et que, si ce mauvais sentiment a donné de l’excitation à notre amour, il lui a ôté de