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sière, et, sur les marges des fenêtres, toutes les herbes folles de la création s’étaient donné rendez-vous.




II


Nous vivions, ma mère et moi, dans ces débris, dans cette poudre du passé, elle pâle, mince et rêveuse, moi pâle et mince aussi, mais plutôt mélancolique et inquiet que résigné ou contemplatif.

Ma mère était encore une jeune femme quand je commençais à n’être plus un enfant. Mariée à quinze ans, elle avait fort peu dépassé la trentaine quand j’atteignis moi-même l’âge où elle m’avait mis au monde. Elle avait encore la figure assez agréable pour faire l’illusion d’une sœur à ceux qui nous voyaient ensemble ; mais une santé fragile, un regret inextinguible de la perte de son mari et une habitude de nonchalance douloureuse l’avaient tellement jetée dans le renoncement d’elle-même, qu’elle me fit toujours l’effet d’avoir, non pas seize, mais cinquante ans de plus que moi.

Elle était d’une douceur angélique et d’une bonté un peu froide, soit que son cœur se fût usé dans les