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j’étais homme, il me semble bien que j’aurais plus de confiance en celle qui saurait pourquoi il faut aimer le vrai, le beau et le bien, qu’en celle qui suit machinalement et aveuglément les chemins battus où on l’a poussée sans lui rien dire de sage et de fort pour l’y faire marcher droit ; mais je me trompe probablement et vous vous trompez vous-même, parce que vous vivez sans passions. Les préjugés sont plus puissants que la raison ; on veut que la femme aimée soit une esclave par l’esprit et par le cœur, on tient même plus à cela qu’à sa fidélité et à sa vertu, car je sais des hommes qui ont l’air de vouloir être trompés, tant ils le sont, mais qui se déclarent satisfaits par l’apparente soumission morale et intellectuelle dont on les berne.

» Ajoutez à cela, continua Love avec vivacité, que l’homme très-passionné est porté plus que tout autre au despotisme de l’âme, et qu’il aime à s’exagérer, pour s’en effrayer et s’en offenser, la capacité d’une femme tant soit peu cultivée. Il ne lui accorde plus ni candeur ni modestie ; il s’imagine qu’elle est vaine. Il ne se dit pas — ce qui est pourtant une vérité banale — que l’on n’est jamais supérieur en tous points quelque sage que l’on soit, à une personne raisonnable ordinaire. Je ne parle pas des exceptions, à qui la nature et l’éducation ont tout refusé ; mais je