Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

père inquiet et à son frère jaloux ! Et moi, que de torrents de pleurs j’avais versés pour elle ! Elle était bonne fille, et ses yeux s’humectaient un peu à mon souvenir ; elle parlait de moi avec un certain intérêt, et elle n’avait pas été fâchée d’apprendre que je n’étais pas mort dans quelque désert affreux ou par quelque tempête sinistre : n’avait-elle point dit cependant à M. Louandre que, toute réflexion faite, elle se trouvait plus heureuse dans sa liberté, et que la vie n’était pas assez longue pour s’occuper de sciences naturelles et d’amour conjugal ?

Je la vis redescendre la Roche-Vendeix aussi légère qu’un oiseau. Elle avait ôté son vilain capuchon, elle avait retrouvé l’élégance et les souplesses inouïes de sa démarche, et, quand elle allait revenir près de nous, ses yeux seraient aussi purs et son sourire aussi franc que si elle n’eût rien appris sur mon compte. Devais-je poursuivre ma folle entreprise ? Ne l’avais-je pas accomplie d’ailleurs ? Ne savais-je pas ce que j’avais voulu savoir, qu’elle était toujours belle, que je l’aimais toujours, que je n’en guérirais jamais, et qu’elle n’avait pas plus changé de cœur que de figure, c’est-à-dire que je pouvais compter avec elle sur une amitié douce et loyale, mais jamais sur une passion comme celle dont j’étais dévoré ?

Je repassais mes amertumes dans mon âme inassou-