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pelle burons (et burots), parce qu’on y fait le beurre. On marche sans danger, mais non sans fatigue, dans ces pâturages gras et mous, sous lesquels chuchotent au printemps des ruisselets perdus dans la tourbe. Là où règne cette herbe luxuriante et semée de fleurs, mais dont le sous-sol n’est qu’un amas de détritus inféconds, il ne pousse pas un arbre, pas un arbuste. Ces énormes étendues sans abri, mais largement ondulées, quelquefois jetées en pente douce jusqu’au sommet des grandes montagnes, d’autres fois enfermées, comme des cirques irréguliers, dans une chaîne de cimes nues, ont un caractère particulier de mélancolie rêveuse. La présence des troupeaux n’ôte rien à leur grand air de solitude, et le bruit monotone de la lente mastication des ruminants semble faire partie du silence qui les enveloppe.

Love se jeta sur l’herbe auprès d’une troupe de vaches qui vinrent flairer ses vêtements et lécher ses mains pour avoir du sel. Ces belles bêtes étaient fort douces ; mais je vis Love de si près entourée par leurs cornes, qu’il me fut permis de m’approcher d’elle pour la débarrasser au besoin de trop de familiarité. Je me tins cependant de manière à éviter son attention, redoutant toujours le premier regard qu’elle attacherait sur moi, et voulant éprouver d’abord l’effet de ma voix. Me sentant là, elle m’adressa plusieurs