Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/215

Cette page n’a pas encore été corrigée

jeu, même pour M. Butler, qui était resté excellent piéton, et qui se piquait à bon droit d’avoir le pied géologue ; mais par moments, sur des revers presque verticaux, je ne voyais pas sans trembler l’adroite et courageuse Love se risquer sur ces masses croulantes.

C’est cependant la seule époque de l’année où l’on puisse jouir du caractère agreste et touchant de ce beau sanctuaire de montagnes. Aussitôt que les baigneurs arrivent, tous ces sentiers, raffermis et déblayés à la hâte, se couvrent de caravanes bruyantes ; le village retentit du son des pianos et des violons, les prairies s’émaillent d’os de poulet et de bouteilles cassées ; le bruit des tirs au pistolet effarouche les aigles ; chaque pic un peu accessible devient une guinguette où la fashion daigne s’asseoir pour parler turf ou spectacle, et l’austère solitude perd irrévocablement, pour les amants de la nature, ses profondes harmonies et sa noblesse immaculée.

Nous n’avions rien de pareil à redouter au milieu des orages que nous traversions, et j’entendais dire à Love qu’elle aimait beaucoup mieux ces chemins impraticables et ces promenades pénibles, assaisonnées d’un peu de danger, que les sentiers fraîchement retaillés à la bêche ou battus par les oisifs.

— J’aime aussi le printemps plus que l’automne