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ture, qui montait une côte rapide. J’entendis Love dire au domestique à pied :

— Restez près des chevaux ; si le cocher s’endormait… c’est si dangereux !

En effet, le chemin était fort peu plus large que la voiture, le roc montant à pic d’un côté, de l’autre tombant de même en précipice. Instinctivement je me plaçai entre les chevaux et l’abîme, et je vis Love se retourner plusieurs fois ; il semblait que ma présence la rassurât ; mais bientôt je m’élançai vers elle. Un taureau, à la tête d’un troupeau de vaches, venait à sa rencontre et s’arrêtait en travers du chemin, l’œil en feu, poussant ce mugissement rauque et comme étouffé qui indique d’une façon particulière la jalousie et la méfiance. Le troupeau était sans gardien, et Love avançait toujours, ne faisant aucune attention à la menace de son chef. Hope, armé d’une petite canne, semblait disposé à le provoquer plutôt qu’à reculer devant lui.

Je doublai le pas. Je savais que ces taureaux, élevés en liberté et très-doux avec leurs pasteurs, sont quinteux et s’irritent contre certains vêtements ou certaines figures nouvelles. Hope, courageux et déjà homme par l’instinct de la protection, se plaça entre sa sœur et l’ennemi, leva sa petite canne, et fit mine de frapper ; mais, l’animal faisant tête, le jeune homme se jeta