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cœur, sa pensée, tout ce qui était l’essence d’elle-même et le mobile de sa vie, n’étaient-ils pas là, près de moi, autour de moi et aussi en moi-même, comme l’air que l’on respire ? Ne me parlait-elle pas encore de sa voix douce et sans inflexion ? Ne me disait-elle pas, comme autrefois : « Mon fils, vous n’êtes pas heureux ; il faut travailler à votre bonheur. »

C’était là l’unique devoir qu’elle m’eût jamais tracé, le seul effort qu’elle m’eût demandé de faire pour elle, et je n’avais pu la satisfaire ! Le mal que je m’étais fait, à moi, le ressentait-elle encore dans une autre vie ? Cette idée m’affecta profondément. Elle ne m’était pas venue durant mes voyages, et dans cette maison, dans cette chambre, elle prenait une importance extraordinaire ; elle me pressait comme un reproche, elle m’accablait comme un remords.

C’est alors seulement que les larmes me vinrent, et que, dans un de ces paroxysmes d’attendrissement où l’on s’exalte, je parlai intérieurement à ma mère, comme si elle eût pu désormais m’entendre sans le secours de la parole. J’étais là pour ainsi dire avec elle cœur à cœur, et elle pouvait lire dans le mien avec le sien propre. Je lui promis, je lui jurai de chercher le bonheur, dussé-je encore une fois souffrir tout ce que j’avais déjà souffert.

Mais quel serait-il ce bonheur ? Je ne pouvais le con-