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moi, les pieds fixés sur le carreau mal joint, les mains étendues sur les bras usés de son maigre fauteuil ; je voulais revoir ce jardin sur le sommet du rocher qu’elle s’était décidée à rendre praticable pour que j’y pusse courir en liberté dans mon enfance, sans être arrêté à chaque pas par un précipice, et ces grottes où j’avais caché tant de pleurs, et ces cascatelles dont le doux bruit avait bercé tant de rêves, enfin tout ce monde de mon passé qui avait tenu dans le creux d’une petite roche enfouie et perdue le long d’un ravin caché lui-même sous la verdure.

J’arrivai à pied, un matin des derniers jours de mai, sans avoir été reconnu de personne sur ma route à travers le Vélay. Étais-je donc bien changé ou complétement oublié ? Il y avait de l’un et de l’autre.

Après avoir marché une partie de la nuit, j’entrai, au jour naissant, dans le ravin de la Roche. La rivière était très-grosse et très-bruyante ; mais, du chemin» on ne la voyait plus, tant les branches avaient poussé sur ses rives. Le chemin lui-même était devenu comme un rempart de défense, tant il était hérissé et couronné de ronces, dont j’eus à soulever les rameaux épineux pour pénétrer jusqu’à l’escalier. La porte était neuve et close, une lourde et laide porte de ferme, en bois neuf, à la place de la belle porte en vieux chêne à ferrures savamment historiées, dont les débris gi-