Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je tombai sans connaissance et je demeurai quelques jours comme anéanti ; mais, les forces de la jeunesse et de ma constitution ayant repris le dessus, je recommençai à mener la vie désolée que je menais depuis deux mois, allant et venant sans but comme une âme en peine, et me sentant consumer par une fièvre sans intermittence que j’aurais voulu enflammer davantage pour qu’elle m’emportât. Ma mère voyait bien que je me laissais dépérir, et, malgré son air résigné, elle s’alarmait sérieusement. Elle m’engageait à me distraire et à faire des visites dans nos environs ; mais je ne voulais plus sortir du ravin de la Roche. À toute heure, à tout instant, j’attendais avec opiniâtreté, et pourtant sans espoir, une lettre de Love. C’en était fait, elle ne m’écrivait plus.

Un jour, M. Louandre, qui, grâce aux dernières circonstances, était devenu notre ami le plus intime, me prit en particulier dans la chambre d’honneur.

— Je ne suis pas content de vous, me dit-il : vous vous tuez ; vous en avez le droit quant à vous, et c’est votre affaire, mais vous n’avez pas le droit de tuer votre mère ; donc, vous êtes forcé de ne pas user du droit que vous avez sur vous-même. Sortez si vous pouvez de ce dilemme. Voyons, que prétendez-vous devenir ? La situation telle qu’elle est ne peut se prolonger, à moins que vous ne soyez un mauvais fils.