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tranquille de part et d’autre pendant quinze jours, et que le seizième, si l’empereur n’envoyait point de vivres, la garnison se rendrait aux Hussites sans coup férir.

Pendant ce temps, Sigismond ayant assemblé une nouvelle armée, s’arrêtait à Cuttemberg. Sa Majesté impériale, plongée dans une profonde mélancolie, tâchait de divertir son chagrin avec des instruments de musique. Un autre délassement était d’envoyer ses hussards incendier et massacrer, sans épargner ni femmes ni enfants, sur les terres des seigneurs bohêmes qui avaient embrassé le hussitisme. Il parlementa avec les députés praguois, essaya de les tromper, et finit par les menacer avec sa brutalité ordinaire, qui l’emportait encore sur ses instincts de ruse et de fraude. Enfin, le 31 octobre, il parut devant de Prague avec une armée qu’il avait fait venir de Moravie. Il se montra sur une colline voisine de Wisrhad, l’épée à la main, donnant ainsi à la garnison le signal du combat. Mais il était trop tard d’un jour ; le terme de la convention était expiré de la veille. Ceux de Wisrhad, en gens de parole, et touchés de la foi que les Taborites leur avaient gardée en les laissant tranquilles durant la trêve, ne répondirent pas au signal de l’empereur. Un morne silence planait sur la forteresse. Ces malheureux soldats, épuisés par la faim et les maladies, restaient comme des spectres autour de leurs créneaux, immobiles témoins du combat qui s’engageait sous leurs yeux. L’empereur, stupéfait d’abord, entra bientôt dans une grande fureur ; et comme ses officiers, admirant avec tristesse les ingénieuses fortifications des Taborites, l’engageaient à ne pas exposer sa personne et son armée dans une entreprise impossible : « Non, non, s’écria-t-il, je veux châtier ces porte-fléaux. — Ces fléaux sont fort redoutables, reprit un des généraux. — Ah ! vous autres Moraves, s’écria Sigismond hors de lui, je vous savais