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ils lui résistèrent pendant quatorze ans avec une énergie et des ressources incroyables.

Mais il est une autre accusation grave qui pèse sur Ziska, et qu’il faut encore examiner. Afin de le peindre comme le chef infâme d’une poignée de scélérats, afin de lui ôter son caractère terrible, et pourtant sacré, de chef du peuple et de représentant de sa patrie, on l’a montré, surtout dans les premiers temps de son entreprise, portant l’épouvante et la désolation chez ses propres compatriotes, chez ses coreligionnaires ; on a affecté de peindre la haine et la terreur de certaines provinces qui résistèrent d’abord à son impulsion, et qu’il n’entraîna que par la violence. Ses apologistes ont vainement essayé de nier ou d’atténuer ses ravages dans les champs de la Bohême : nous les croyons certains, mais nous les comprenons ainsi.

Il ne s’agissait pas seulement pour Ziska de faire la guerre aux armées de Sigismond ; il fallait la faire d’abord aux partisans de la monarchie, aux courtisans de la domination étrangère ; et des populations entières, celles qui jouissaient, comme nous l’avons dit plus haut, de certains bénéfices de conquête ou de certains privilèges agricoles et industriels, faisaient cause commune avec leurs seigneurs catholiques. Il y a plus : dans les premiers temps de l’insurrection, les paysans ne comprirent pas la mission des Taborites, et voulurent rester dans l’inaction. Quelque pauvre et accablé que soit le mercenaire, quelque humilié que soit le serf, on ne le surprend pas toujours dans une velléité de révolte et de courage. L’esclave s’habitue à sa chaîne, l’indigent aime son toit de chaume, et la crainte d’être plus mal l’empêche souvent de désirer mieux. Les prêtres taborites arrivaient dans les campagnes, prêchant la parole du Christ à ses disciples : « Levez-vous, quittez vos filets, et suivez-moi. » Ziska ajouta en vrai condottiere : « Cédez vos huttes, votre