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jean ziska.

dans des préoccupations toutes militaires, s’inquiétait peu, au fond, de la doctrine ; qu’il persistait à se dire calixtin pour conserver son ascendant sur le juste-milieu hussite, qui était le parti le plus nombreux, sinon le plus énergique du moment ; enfin, qu’il avait à se maintenir puissant sur toutes les nuances du hussitisme, et qu’il y parvint en tolérant tous les excès, sans vouloir précisément accepter la responsabilité de ceux mêmes où il avait trempé le plus activement. Nous n’alléguons pas ces motifs pour excuser les crimes qui furent commis par Ziska contre l’humanité. Mais on ne l’a pas accusé de ceux-là seulement, et il faut répéter souvent qu’au moyen âge, ces sortes de crimes, qui, Dieu merci, nous paraissent injustifiables aujourd’hui, n’avaient pas dans l’esprit des hommes la même importance. L’Église avait donné l’exemple. Elle, la gardienne des charitables et miséricordieuses inspirations du christianisme, la loi suprême, la justice idéale proclamée souveraine de toutes les justices matérielles des pouvoirs constitués, elle avait allumé les bûchers, inventé les tortures, proclamé la croisade contre les dissidents. Les moralistes de l’Église auraient donc eu bien mauvaise grâce à reprocher à Ziska le crime de lèse-humanité. Aussi les historiens catholiques ont-ils tenté de lui imputer des crimes de lèse-patriotisme, pensant que le premier ne le rendrait pas assez odieux à la postérité. Ils ont insisté sur son vandalisme, sur la ruine des monuments et des bibliothèques, la gloire et la lumière du pays. Je crois qu’il est des époques où ces actes de vandalisme sont plus que justifiables, et on les a comparés souvent à la résolution du capitaine de navire qui fait jeter à la mer les richesses de sa cargaison pour sauver son équipage dans la tempête. Je viens de prouver que, sans cette dévastation, les Bohémiens n’eussent pu résister six mois à l’ennemi. On verra que, grâce à elle,