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jean ziska.

se renferma du mieux qu’elle put dans le fort de Saint-Wenceslas, situé dans le Petit-Côté de Prague, sur la rive gauche de la Moldaw. La vieille et la nouvelle ville de Prague, ainsi que la forteresse de Wisrhad[1], dont il sera souvent question dans cette histoire, sont situées sur la rive droite. On sait déjà que, malgré des dissidences d’opinion et de fréquents démêlés, ces deux villes étaient hussites. Le Petit Côté, qui contenait le château des rois de Bohême, et où la cour, le haut clergé et les principaux dignitaires faisaient leur résidence, était resté attaché au parti catholique.

Sophie, effrayée de son abandon et de l’agitation croissante des esprits, résolut de tenter un coup hardi : elle rassembla quelques troupes, sortit secrètement de la ville avec un seigneur de Schwamberg, et alla attaquer à l’improviste le redoutable Ziska, dans le district de Pilsen. Ziska n’avait avec lui, en cet instant, qu’une petite troupe de taborites, avec leurs femmes et leurs enfants, qui les suivaient partout. Réfugié sur une colline où il n’y avait que pierres et brossailles, et que la cavalerie de la reine ne pouvait gravir sans mettre pied à terre, il n’attendait pourtant pas sans inquiétude l’issue d’un combat où il se voyait entouré de tous côtés. Les femmes des taborites le sauvèrent par un stratagème singulier : aux approches de la nuit, elles étendirent leurs robes et leurs voiles dans les broussailles, où les Impériaux devaient s’engager tout bottés et éperonnés. Dès qu’ils eurent laissé leurs chevaux au bas de la colline, et qu’ils eurent fait quelques pas dans ces filets, ils s’y embarrassèrent si bien les pieds, qu’ils ne purent avancer ni reculer ; et, tandis qu’ils essayaient de se dépêtrer, Ziska fondit sur eux, et les tailla en pièces. La reine et son général prirent la fuite, à la faveur de la nuit.

  1. Wisserhad ou Wischerad.