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jean ziska.

dix-huit jours après, il mourut en jetant de grands cris et rugissant comme un lion.

Tous les historiens du temps représentent cet empereur comme un Sardanapale, un Thersite et un Copronime. Ils l’accusent d’avoir souillé les fonts baptismaux et l’autel sur lequel il fut couronné, étant enfant, présage de l’impureté de sa vie et de l’ignominie de son règne. « On peut dire de lui ce que Salluste dit de beaucoup de gens, qu’ils sont adonnés à leur ventre et au sommeil ; dont le corps est esclave de la volupté, à qui l’âme est à charge et dont on ne peut pas plus estimer la vie que la mort[1]. » On prétend qu’un de ses cuisiniers lui ayant refusé à manger, sans doute par ordre du médecin, il le fit embrocher et rôtir ; qu’il aimait passionnément son chien, parce qu’il mordait tout le monde ; qu’il avait toujours un bourreau à ses côtés et qu’il l’appelait son compère, ayant tenu son enfant sur les fonts du baptême. Il fit jeter dans la rivière un docteur en théologie, pour avoir dit qu’il n’y a de vrai roi que celui qui règne bien.

Cette belle parole de Jean de Népomuck (car c’est de lui certainement qu’il s’agit ici), et plusieurs autres aperçus de son caractère, m’ont fait croire que, s’il eût vécu jusqu’à l’époque de la prédication et du procès de Jean Huss, il eût embrassé sa doctrine et partagé son sort. Sa canonisation n’eut lieu qu’au dix-septième siècle, et ce fut sans doute pour l’université du Prague une de ces politesses que l’Église adresse de temps en temps à certains ordres ou à certains corps pour leur faire sa cour. On sait comment fut débattue et octroyée la canonisation de saint François d’Assises, le grand hérétique du joannisme et le véritable auteur de toutes les sectes qui se rattachent au

  1. Cochlée.