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jean ziska.

trines. Il fut condamné en même temps que la mémoire de son maître Wicklef. Jean Huss montra d’abord quelque hésitation ; mais il reprit bientôt toute sa fermeté, ne voulant point se rétracter à moins qu’on ne lui prouvât ses erreurs par l’Écriture, appela du concile au tribunal de Jésus-Christ, et déclara qu’il aimerait mieux être brûlé mille fois[1] que de scandaliser par son abjuration ceux auxquels il avait enseigné la vérité. Il fut dégradé des ordres sacrés, livré au bras séculier par le concile, et conduit au bûcher d’après l’ordre de ce même empereur qui lui avait garanti par serment la vie et la liberté. Jérôme de Prague avait été arrêté et amené prisonnier à Constance quelque temps auparavant. Il faiblit, renia Wicklef et Jean Huss, et fut absous. Quelque temps après, il fit demander au concile une audience publique, déclara qu’il avait menti à sa conscience, et qu’il croyait à la vérité des enseignements de ses maîtres ; puis il marcha intrépidement au supplice. Il y eut quelque chose de plus fatal et de plus sinistre que cette double catastrophe : ce fut la théorie qu’inventa le concile pour la justifier. Un décret du concile défendit à chacun, sous peine d’être réputé fauteur d’hérésie et criminel de lèse-majesté, de blâmer l’empereur et le concile touchant la violation du sauf-conduit de Jean Huss[2]. »

Pendant tout ce procès, les hussites de Bohême s’étaient tenus, le peuple, dans une attente sombre et douloureuse, les nobles dans un silence irrité. À la nouvelle de son supplice, presque toute la Bohême s’émut, depuis ces

  1. On raconte que Jean Huss, pendant qu’il lisait les livres de Wicklef, se donnait l’étrange plaisir de se brûler le bout des doigts à la flamme de sa lampe. Interrogé sur cet étrange passe-temps, il répondit en montrant le livre : « Voila un calice qui me mènera loin. »
  2. M. Henri Martin, Histoire de France.